LE MARTYRE DE LA REUSSITEBien que nous pénétrions là dans un domaine anecdotique au sein duquel la vérité est encore moins garantie qu'à l'accoutumée, la petite histoire interne de Chrysler-Simca dit que la 1100 se trouve dans une situation amusante, tout au moins vu de l'extérieur. Il semblerait que ce modèle soit considéré avec un agacement certain par Chrysler U.S qui ne comprend guère que l'on dépense autant d'argent pour construire une aussi petite voiture dont le caractère sophistiqué leur paraît inutile. Là-bas, ils préféreraient, paraît-il, vendre beaucoup plus de 160 et de 180 plus simples à construire. Malheureusement, la clientèle française et même européenne, contestataire dans l'âme, est d'un avis opposé. Et c'est pourquoi la 1100, fort appréciée en Europe, serait pourtant la mal aimée à Poissy. On rencontre décidément des enfants martyrs dans toutes les conditions...
Qu'il s'agisse des hommes ou des automobiles, il devient de plus en plus diffiile de vieillir. Le temps s'accélère, la concurrence se fait plus pressante et le spectre du déclassement plane au-dessus de toutes les têtes, pensantes ou mécaniques. Par exemple, la gamme des 7CV est particulièrement encombrée et c'est pourquoi le comportement de la 1100 S doit être considéré avec beaucoup d'attention, au sein d'une petite horde sauvage, en constant renouvellement.
SI VOTRE PLUMAGE...Avec la 1100 à mon avis, Simca a raté le coche de fort peu. Poissy tenait là, dans sa main une voiture à grand succès qui lui aurait peut-être évité de s'appeler Chrysler. Malheureusement, cette maison, qui avait toujours choisi, depuis l'Aronde, la voie de la séduction plus ou moins facile, de l'esthétique prédominante et du gadget envahissant, voulut pour une fois faire du fonctionnel. Ce fut un échec. On - fameux "on" qui rate tout ce qu'il entreprend - s'avisa de dessiner une carrosserie non seulement dépourvue de grâce mais encore d'originalité. Ce ne fut pas une R16, c'est pratiquement aussi laid qu'une R6, mais c'est vendu beaucoup plus cher. Le public fit donc la grimace et il a fallu que de longs mois passent, avant que les qualités indéniables de la voiture ne fassent plus ou moins passer la pilule. Depuis, l'arrière a été modifié. Il n'est pas plus joli pour autant et c'est de cette manière probablement que la 1100 a raté le destin exceptionnel qui aurait dû être le sien si son ramage avait été, etc. (voir La Fontaine pour plus de détails).
Par rapport à l'année dernière, le moteur a été dans une certaine mesure simplifié. En 1971, nous aviosn affaire à un quatre cylindres en ligne transversal, de 74mm d'alésage et de 70mm de course, alimenté par deux carburateurs double corps Weber. La cylindrée du groupe était de 1204cc. Sur le modèle 1972, l'alésage est passé de 74 à 76,7, et la cylindrée atteint 1294cc qui demeurent dans la limite des 7CV fiscaux. Quant à l'alimentation, elle est assurée maintenant par un unique carburateur double corps. La puissance annoncée est toujours de 74ch DIN mais à 5600 t/min au lieu de 6000 et le couple maxi, qui était donné naguère pour 10 mkg à 3600 t/min est maintenant de 10,5 mkg à 3000 t/min. Parallèlement le rapport volumétrique est passé de 9,5 à 9,6. Déjà sur le papier, il est logique de pronostiquer une amélioration de la souplesse, des reprises à régime moyen et il est vrai que la pratique conforme la théorie.
Sur l'anneau de vitesse de Montlhéry, notre voiture d'essai a tourné, avc une seule personne à bord, à 157 km/h. Nous sommes très légèrement en dessous des chiffres obtenus en 1970, mais les 160 chrono peuvent a priori être garantis sur route dégagée. Aux 400 mètres et aux 1000 mètres départ arrêté, le chrono nous a indiqué 18s 4/5 et 35s 2/5. Là, l'augmentation de cylindrée paraît favoriser légèrement l'arraché et puis on retrouve ensuite les chiffres de l'an dernier, mais avec toutefois des gains notables en reprise en quatrième depuis 40 km/h : 3/5 s aux 400m et 1s aux 1000m.
Quant aux consommations, elles sont pratiquement identiques à celles relevées précédemment : 11,8 litres sur route, à grande vitesse, et une moyenne de 7,7 litres à 70 km/h. Par rapport aux performances, ces exigences sont d'une modestie qui mérite d'être soulignée.
Si l'on écarte le jugement des chiffres, les impressions de conduite du pilote ne sont pas moins flatteuses. Certes le moteur n'est pas très agréable tant qu'il n'a pas atteint sa température normale de fonctionnement et son comportement à très bas régime manque un peu de rondeur. Mais, à part cela, la 1100 Spécial est très agréable à conduite en toutes circonstances. Elle est d'une bonne souplesse en ville et prompte à réagir au pied droit et son comportement sur n'importe quel type de route plaira aux amateurs de conduite vive est sportive, avec le seul handicap d'un niveau sonore un peu supérieur à la moyenne.
UNE "BATTANTE"En respectant la zone route du compte-tours -et il faut en avoir envie car le moteur monte allègrement dans les tours- la première monte à environ 50 km/h au compteur, la seconde à 80 km/h et la troisième à 120 km/h. cette étagement ne laisse apparaître aucun trou particulier et son exploitation intelligente permet de se maintenir sans cesse la voiture à des vitesses qui ne sont pas sans surprendre les collègues. Par rapport aux résultats de l'an passé, la commande de boîte est plus précise, mais l'enclenchement de la première ou de la marche arrière n'est pas toujours aisé. Quoi qu'il en soit, avec ses fausses allures de camionnette, la 1100 Spécial "battante" de premier choix qui ne se laisse certes pas rebuter par les côtes, tout cela en acceptant quelques minutes plus tard de flâner dans les embouteillages, en attendant de démarrer sec au premier feu rouge venu.
Les qualités routières de la 1100 Spécial symbolisent une belle réussite technique puisqu'une très bonne tenue de route a été obtenue, sans pour autant nuire au confort. En ligne droite, que le ciel soit bleu ou qu'il pmeuve, qu'il y ait du vent ou non, que le revêtement soit bon ou délabré, le volant est d'un calme olympien et la contagion gagne vite le pilote. C'est la conduite la plus simple que l'on puisse imaginer, sans souci aucun.
UNE "TRACTION" DISCRETE.On le sait sans doute, nous avons affaire à une traction avant, mais si les réactions en virage sont suffisamment typées pour plaire aux amateurs de la formule, elles n'en demeurent pas moins discrètes, au point qu'un inconditionnel du "tout à l'arrière" aura quand même du mal à proférer des critiques graves. A mesure que le rayon du virage décroît, la caisse prend, à grande vitesse, une inclinaison assez sensible mais, malgré la puissance et le couple, la roue motrice ne se décharge pas outrageusement. Quant à la direction, elle demeure la plupart du temps d'une agréable douceur et sa précision ne peut être mise en doute. Il est vrai que, dans un enchaînement droite-gauche, un pilote sportif porurait rêver de temps de réponse plus instantanés, à la manière de certains productions italiennes. Dans ce domaine il y a eu compromis car la souplesse de la suspension entraine inévitablement une certaine inertie. A l'inverse, l'adhérence demeure très bonne sur tous types de revêtement, et sitôt que celui-ci se détériore, les vitesses de passage en virage deviennent supérieures à ce que pourrait permettre une suspension plus sèche. Les cassis et tous les dos d'âne sont également très bien absorbés, sans qu'il soit nécessaire de ralentir sensiblement. Si l'on pousse la voiture dans ses derniers retranchements, son caractère sous-vireur apparaît néanmoins, mais un conducteur manifestant suffisamment d'autorité obtiendra quand même, dans la moyenne des cas, des résultats qui le surprendront, sans outrepasser les limites de la sécurité. La suspension , à proprement parler, est souple, mais très bien amortie. Les passagers seront bien portés, grâce aussi aux sièges confortables et bien dessinés, munis à l'avant d'appuie-tête en série.
Les freins sont à disques à l'avant et à tambours à l'arrière. Ces derniers manifestent, à faible vitesse, une curieuse prédominance, mais l'assistance est dotée d'une belle progressivité et, bien qu'il soit difficile de bloquer les roues, les distances d'arrêt sont de bon aloi, avec des trajectoires généralement bien équilibrées. La direction semble avoir effectué des progrès en ce qui concerne le filtrage des inégalités. Sa douceur et sa précision sont suffisantes mais son rayon de braquage nous a paru important pour la ville, compte tenu des dimensions de la carrosserie.
Voiture française revue par des Américains, la 1100 Spécial possède un équipement complet et une présentation quelque peu saugrenue. Notre voiture d'essai était blanche avec un intérieur vert amande auquel se mêlait, sur le tableau de bord, des applications faux teck. Ce n'est pas trist,e d'accord, mais les dents fragiles seront peut-être agacées par cette acidité, tout comme par les capitonnages factices des garnissages de portière. Au chapitre des compliments, nous donnerons une mention particulière au grand vide-poches basculant et fermant à clef, à la très pratique console centrale, au dégivrage de la lunette arrière, à l'éclairage maintenant bien au point, à la malle, au système de basculage de la banquette arrière qui procure une plate-forme de chargement de très grande surface, et à l'ensemble chauffage-aération, très efficace et pratique à l'emploi. Mais on peut formuler également des critiques : l'emplacement du récepteur radio est très mal choisi car il est impossible de l'atteindre si l'on se sert d'une ceinture de sécurité. De plus, il est inaccessible au passager, et le haut-parleur, disposé face au conducteur, déverse sur celui-ci des flots d'harmonie vraiment encombrants. Situé à l'extrême gauche, le compte-tours est peu visible et il serait sans doute préférable de la déplacer au centre-droite. La commande des essuie-glace est trop éloignée du volant et les deux vitesses des balais sont un leurre parce que trop lentes. La tablette vide-poches supérieure de tableau de bord est pratique, mais elle devrait être séparée en deux parties en deux parties afin d'empêcher les objets déposés de glisser trop loin à chaque virage. Enfin, la tablette arrière démontable émet des bruits superflus et, pour terminer, si l'on conduit raisonnablement en arrière, les ancrages de ceintures de sécurité sont mal placées.
CONCLUSION.Au sein de la production européenne 1972, la Simca 1100 Spécial, en fait 1300, continue à mériter une mention toute particulière en raison de ses performances, de ses qualités routières, de son confort et de son équipement. Compacte et donc utilisable en ville, cette voiture est également une grande routière extrêmement vive, piuvant aller loin en toute saison, sans fatiguer ses occupants. Seule sa présentation,, le dessin maladroit de sa carrosserie et certains détails d'équipement peuvent être critiqués, mais le bilan général que l'on peut adresser après un essai de ce genre ne peut être que très favorable.
QUALITES.- PERFORMANCES TRES SATISFAISANTES
- TRES BONNE TENUE DE ROUTE
- CONSOMMATION MODEREE
- Freinage progressif et puissant
- Direction précise et douce
- Equipement complet.
DEFAUTS.- Carrosserie très utilitaire
- Manoeuvres parfois pénibles en première et ne marche arrière
- Niveau sonore supérieur à la moyenne
- Radio mal placée
- Essuie-glace trop lents.
PRIX : 13.395 F.