Parodiant Destouches qui s'inspirait lui-même de Horace (cet interlude est déjà un clin d’œil à la suite), je dirais "Chassez l'historien, il revient au galop"...
- J-P16 a écrit:
- Et (désolé, j'peux pas m'en empêcher, c'est une fibre), c'est quoi la Scomam ? hein ?
La Société de constructions mécaniques et aéronautiques de la Mayenne (SCOMAM), ex Borel à Laval, filiale de ... Chausson !!
Les Etablissements Borel sont créés en 1939. La dénomination sociale change en 1949 et devient Société de constructions mécaniques et aéronautiques de la Mayenne (SCOMAM). Elle est spécialisée dans la fabrication de radiateurs de chauffage de voitures, réservoirs et tôleries diverses. Son siège est à Levallois, ses usines à Laval.
Le problème pour faire le lien avec Sofica est que depuis 1958, Sofica est l'acronyme de Société pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, ce qui pollue en masse les résultats.
- J-P16 a écrit:
- Ah ben si, j'ai trouvé le lien, dans l'histoire de la société Valeo :
"En fusionnant avec Sofica et en devenant actionnaire des Usines Chausson, la société Eugène Buisson (qui ne s’appellera Valeo qu'à partir de 1980) s’approprie un troisième cœur de métier : les systèmes thermiques." (NB : les premiers secteurs sont les freins et l'embrayage).
Donc Sofica <=> Buisson et Buisson <=> Chausson
Alors Sofica <=> Chausson et Chausson <=> Scomam
Donc Scomam <=> Sofica.
Question suivante !!!
J'ai écrit "question suivante !!!" en plaisantant, mais ce petit début d’amorce de reconstitution du phénomène des intégrations dans le secteur de l’équipement m’a aiguisé l’appétit.
J’avais déjà fait un petit panorama autour de DBA, ici :
https://simca1100.1fr1.net/t6925-comment-trois-lettres-peuvent-apprendre-plein-de-chosesEt maintenant, on va se faire un trip de Ferodo à Valeo.
Remarques liminaires :
- je ne retiens dans ce condensé d’histoire industrielle que les intégrations / fusions, pas les démembrements / créations de filiales, sinon, ça devient abscons
- je ne mentionne pas les sociétés ou usines dont le nom n’a pas de résonance particulière (quand bien même il s’agit parfois d’éléments importants de l’ensemble).
- je m’arrête à la décennie 1990 (entre 1985 et 1988 : restructuration, recentrage sur l’activité d’équipementier)
Toute diffusion, reproduction de cette synthèse sur d’autres sites Internet est interdite sans autorisation (avertissement essentiellement destiné aux habituels sous-marins espions se croyant indétectables mais qui ne le sont pas)Attachez vos ceintures… (et désolé, mais il n'y a pas d'images).
Tout commence avec Herbert Frood, né en 1864 à Doncaster au Royaume-Uni. C’est lui le socle. Cet homme n’est pas un technicien ou un ingénieur de formation, mais en 1890 voyant une charrette glisser dans une pente sans que les chevaux et les freins en bois ne puissent la stopper, il a l’idée de placer une espadrille entre la roue et le patin ralentisseur. Reste à perfectionner le concept de la… garniture de frein.
Sept ans plus tard, Frood crée sa société. Si la Bendix reprendra le nom de son fondateur, ou si DBA est un acronyme, Ferodo est une anagramme améliorée façon Scrabble. Ajoutant un E aux lettres de son nom, Frood secoue le chapeau et invente la garniture Ferodo dont il donne le nom à sa société.
En France, les produits Ferodo vont être distribués à partir de 1899 par les établissements Eugène Buisson. Il en devient agent exclusif en 1910 puis en obtient la licence française en 1923. C’est à cette occasion qu’il crée la SAFF « Société Anonyme Française du Ferodo », qui deviendra par simple changement de nom, Valeo en 1980.
Mais entre ces deux dates, il s’en passe des choses.
En 1934, la SAFF absorbe tout d‘abord un de ses concurrents : Flertex (qui existe toujours dans le domaine des matériaux de friction industriels, aéronautiques et ferroviaires).
En 1936, afin de diversifier son activité, la SAFF achète la licence exclusive des embrayages Borg-Warner (USA) et en 1938, celle des coupleurs hydrauliques Vulcan-Sinclair (association des travaux des ingénieurs Föttinger et Bauer de chez Vulcan en Allemagne et des recherches de l’ingénieur britannique Harold Sinclair).
En 1962, la SAFF fusionne avec la « SOciété de Fabrication Industrielle pour le Chauffage et l’Aération (SOFICA).
La SOFICA a été créée le 1er avril 1946 par Walter Fieni, d’origine italienne mais émigré en France dès 1922. Elle est d’abord tournée vers la thermodynamique industrielle, notamment le chauffage des bâtiments ou les échangeurs thermiques pour le nucléaire. En acquérant la SOFICA, la SAFF digère également la SCOMAM (voir supra), anciens établissement Borel à Laval que la SOFICA avait absorbé en 1939. Dans la foulée de la SOFICA, la SAFF intègre la SAMP (Société d’Application des Matières Plastiques) qui produit les boitiers. Cette étape constitue l’inauguration d’une troisième activité à la SAFF, le thermique, après le freinage et l’embrayage qui ont été les mamelles historiques du développement. L’acquisition de la SOFICA et de la SAMP est la première marche qui mène à l’actuelle Division Valeo thermique habitacle.
En 1965, la SAFF procède à ses premières intégrations à l’étranger en se tournant d’abord vers l’Espagne (la plus grosse production de seconde monte de l’époque) avec une prise de participation en 1965 dans la FRAYMON (numéro 1 de l’embrayage outre-Pyrénées, qui sera absorbée totalement en 1979) et en 1966 dans la FAESSA Y MEN PAR (chauffage automobile) ou FAESSA, qui est associée à Kinby (projecteurs).
En 1969, la SAFF créé la marque Verto pour sa production d’embrayage.
En 1970, la SAFF entre au capital de SEV-Marchal comme actionnaire majoritaire.
La SEV-Marchal est en elle-même déjà une concentration.
La Société Anonyme pour l’Equipement Electrique des Véhicules, dite SEV (en ne retenant que les mots Société, Electricité et Véhicules) est créée en 1912. Magnétos, démarreurs et dynamos sont les premières productions suivies des allumeurs et bobines dès 1928 puis des pompes à essence et les essuie-glaces en 1931.
De son côté, Pierre Marchal fonde en 1923 la Société pour la fabrication de projecteurs et lanternes électriques. En 1924 s’ajoutent aux seuls phares des débuts, les bobines et les allumeurs et en 1927, les bougies. En 1932, ce sont les avertisseurs et l’essuyage qui font leur apparition dans la production de la société avant les lave-glaces en 1968. Dès 1961, Marchal est le leader mondial du phare.
Les deux entités fusionnent en 1963 sous le nom de SEV-Marchal alors qu’en 1962 a été créée la SEV-Motorola (encore un nom qui vient résonner) pour la production d’alternateurs grâce à un accord entre la SEV et la filiale française de Motorola, société américaine créée en 1928 par Paul Galvin (1930 pour le nom de Motorola). Motorola vendra l’activité alternateurs, redevenue indépendante, à Valeo en 1983, et l’activité électronique automobile à l’Allemand Continental en 2006, peu avant la fin de Continental en 2008.
C’est également en 1970 que Cibié et Paris-Rhône se rapprochent.
La société Cibié a été créée en 1919 par Léon Cibié qui œuvre déjà depuis dix ans dans l’innovation pour l’éclairage, notamment des avions. La nouvelle société se présente avant tout comme fabricant d’éclairage pour l’automobile. C’est son fils Pierre qui assurera le développement de l’entreprise en sortant de Polytechnique. Cibié invente l’antibrouillard en 1926, le réglage à distance (Panhard Dyna Z en 1964), les optiques directionnels (DS 21 en 1967) et le projecteur bi-iode en 1968 suivi en 1971 du H4 ou encore en 1978 le premier essuie-phare sur la Simca 1308.
Paris-Rhône est née en 1915 à Villeurbanne sous l’appellation « Compagnie industrielle de Paris et du Rhône » (simplifiée dès 1916 en « Société de Paris et du Rhône », puis « Paris-Rhône ») dans un but militaire lié à la Première Guerre mondiale. Elle fabrique initialement (à Lyon d’ailleurs !!) du matériel radio-électrique pour l’armée de l’air. La guerre finie, dès 1928, la société entre dans le monde automobile avec à l’origine des dynamos et des démarreurs, puis en 1922 elle se diversifie dans l’électro¬ménager (notamment avec des aspirateurs).
En 1972, est créée la SFEA (Société Financière d’Equipements Automobiles) parfois dénommée seulement FEA. C’est une filiale commune de la SAFF (70%) et de Bosch (30%) qui regroupent par cette structure leurs participations respectives dans la SEV-Marchal.
En 1973, la SAFF mange ELMA (projecteurs automobiles italiens).
Via la SFEA, la SAFF phagocyte Cibié Paris-Rhône en 1977.
1978 voit l’achat de la SOMA (SOMA Europe Transmissions) qui produit des ponts moteurs et des boites de vitesses pour véhicules lourds (pour Berliet, Poclain par exemple).
La cession totale de la SEV-Marchal à la SAFF par les descendants de Pierre Marchal est effective en 1979.
Et en 1980, la SAFF devient Valeo.
Valeo est le nom de la filiale italienne de la SAFF, créée en 1964. Il est choisi pour sa signification symbolique puisque
Ego valeo (
valeo tout court avec un sujet muet) veut dire « je vais bien » en latin.
Le Ferodo passe au second plan et se range alors parmi les marques du groupe avec Marchal, Paris-Rhône, Verto, Sofica, Ferlam, Cibié, Flertex ou encore Kinby (éclairage, Espagne) et encore sept autres qui résonnent moins à nos oreilles dans le cadre des années 60-70 (certaines qui viennent d’être citées comme Fraymon ou Elma, mais encore Copla, Pasa, Progresso, Plastex ou Ufaga - Union de FAbricants de Garnitures, née en 1952 de l’acquisition simultanée de Hersot -garnitures ferroviaires- et de Nafra -garnitures automobiles-).
En 1984 Valeo avale le gros morceau qu’est Ducellier.
Ducellier est la plus ancienne marque de cette saga puisque fondée en 1830 lorsque François et Henri Ducellier commencent à produire des lanternes pour les voitures hippomobiles. En 1911, les fondateurs étant décédés, Ducellier devient la marque commerciale de la Willock, Régnault et Cie et entre dans la période du phare électrique. La production se diversifie, par nécessité de guerre, avec des dynamos en 1916 et des démarreurs dès 1918.
Ducellier acquiert les magnétos RB en 1956 après les batteries et transformateurs STEM (Société pour le travail électrique sur métaux) en 1954 et avant les batteries Monoplaques en 1958.
En 1959, on a vu que Ducellier est un des trois sous-ensembles qui forme la DBA avec Bendix et Air-Equipement. La question est alors de savoir comment Ducellier se retrouve absorbé par la SAFF 25 ans plus tard quand DBA glisse de son côté vers la Federal Mogul ? Parce que, on l’a dit aussi, DBA s’associe à Lucas en 1962 et alors 50% des parts de la Ducellier sont cédées à Lucas (Ducellier sortant du groupe DBA en tant que filiale), mais Lucas porte l’opération avec la SAFF. C’est là qu’est le lien. En 1978, DBA décide de se séparer de Ducellier : s’ensuit une bataille juridique entre la SAFF et le groupe Lucas. Elle se solde provisoirement par une décision de copropriété (je simplifie) de Ducellier. Les parts de la Lucas sont progressivement rachetées par la SAFF qui digère l’intégralité de Ducellier en 1984 pour l’intégrer à Valeo.
En 1987, Valeo rachète encore Neiman et Chausson thermique.
Les établissements Chausson frères sont créés par Jules et Gaston Chausson en 1907. Ils produisent des radiateurs automobiles sur le principe du serpentin, amélioré dès 1930 par celui du circuit forcé par une pompe. La société devient la SA Chausson frères en 1924 puis absorbe les deux autres gros fabricants de radiateurs français du moment (Gallay d’une part et Moreux d’autre part). En 1932 c’est l’absorption de la société Gilbert-Lan-Fernier qui permet à Chausson de se doter d’un réseau régional de distribution. L’entreprise se diversifiera et produira des carrosseries (entre autres pour Matford, Chenard et Walcker, Peugeot etc) et sera aussi constructeur d’autocars, mais il ne s’agit ici que de l’activité thermique (il y aura démembrement et cession des autres secteurs).
Neiman est la seule des entités majeures de Valeo qui est de création postérieure à la SAFF (Ducellier 1830, Chausson 1907, SEV 1912, Paris-Rhône 1915, Cibié 1919 et Marchal 1923 comme la SAFF elle-même). C’est en 1930 qu’Abrara Neiman commence à produire des antivols (au départ de motos car c’est après s’être fait voler sa monture qu’il conçoit le principe de l’antivol) à Cologne en Allemagne. Il fuit ensuite l’Allemagne nazie et reprend son activité en France en 1945 en fondant la Société d’exploitation des brevets Neiman (dont le premier date de 1931). En 1965, Neiman rachète Klaxon. En 1969, le développement inexorable de l’entreprise est assuré par la décision de rendre l’antivol obligatoire sur tous les véhicules pour pouvoir les assurer. En 1970, Neiman prend des parts dans Simplex (fournisseur des antivols pour Citroën) avant d’absorber la société Paul Journée (bouchons antivol de réservoirs) et sa filiale Plastimold en 1973. En 1975, c’est Frankani qui est ajouté au groupe puis Ronis en 1980 puis encore la SEIMA en 1981, sachant que la SEIMA avait avalé les antivols Gelbon peu de temps auparavant. En 1976, le directeur général de Neiman, Paul Lipschutz invente la télécommande d’ouverture des portes sur le modèle des premières télécommandes de téléviseur. Il a l’idée d’appeler cet outil le Clip (s’inspirant du petit bruit que cela produit) mais le nom est déposé. Le Clip devient alors le Plip (ce qui correspond de plus, fortuitement, au nom de son inventeur : P. Lip…).
On mentionnera encore en 1989 l’ajout dans l’escarcelle du groupe, de Clausor (le « Neiman » espagnol) et de la société anglaise de climatisation Delanair (leader du marché outre-Manche). C’est alors l’époque du recentrage sur l’activité d’équipementier (les secteurs non automobiles, venus au groupe par les rachats des diverses sociétés constitutives, comme ISBA -secteur du BTP- sont revendus). Il y aura encore en 1991 le rachat de Renaken (usine d’embrayage de la juste défunte RDA, à la production quasi mono-modèle trabantesque).
Par la suite il s’agira surtout d’ouvrir des usines filiales, par création sèche, ou en reprenant des activités locales ou par association, et sur les tous les continents. On se perd vite alors dans les avatars d’un groupe devenu gigantesque, ce qui n’est pas l’objectif de cette petite synthèse destinée à mettre en relation des marques de pièces qu’on a utilisées, qu’on utilise et qu’on utilisera parce qu’on est comme ça…
Sources principales :
- JOURGEAUD (Bénédicte) et PAGNEUX (Dominique), « Valeo, 90 ans d’innovations automobiles », Cherche-Midi éditions, 2013
- TESTARD (Serge), « Valeo, quelle histoire ! – 1930/1988 », notes manuscrites
- QUENNOUELLE-CORRE (Laure), STRAUS (André), JABLON (Robert), « Politique et finances à travers l’Europe du XXème siècle », Enjeux internationaux n° 7, European Interuniversity Press, 2009.