Dans la série « vous avez dit… ? » après DBA, Ferodo et Maurice Monteux, effectuons un petit tour du côté de FACOM.
Tout un chacun connait FACOM, tout un chacun a -au moins- un outil FACOM. On a tous entendu des saillies du genre « c’est quoi cet outil ? jettes ça et achète du FACOM ».
Cet opus de « vous avez dit… » est d’ailleurs initié par la réception de celle que j’ai trop longtemps guignée sans jamais sauter le pas : « The famous torque wrench S203 ».
Pourquoi en anglais ? ben voyons parce que tout un chacun sait que FACOM signifie « Franco Américaine de Construction d’Outillages Mécaniques ».
Oui mais non, oublions l’anglais.
La FACOM fondée en 1918 n’a finalement d’américain qu’une sorte de coquetterie dans sa désignation. Créée par Louis Mosès, d’origine péruvienne (ce qui est néanmoins une attache avec l’Amérique au sens large), c’est une entreprise purement française. Cependant, l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 ayant engendré en Europe une sorte de mode de la référence à la puissance américaine, Mosès n’échappe pas à cette envie d’ajouter une caution teintée du nouveau monde lorsque jeune diplômé des Arts et Métiers il crée sa société près de la gare de Lyon, à Paris, dans un modeste atelier. Mosès a été frappé par « l'abondance de matériel et l'avancée des techniques industrielles » des Américains. Il estime que la guerre de 1914 a définitivement consacré le triomphe de la mécanique et de la technique et que les machines « vont révolutionner le monde du travail, comme elles ont bouleversé l'art des batailles ». Il lance alors son entreprise en achetant le brevet américain d'une simple clé à molette, la Clyburn (il existe un flou sur l’achat réel du brevet, il pourrait s’agir d’une copie pure et simple). Voilà tout ce qu’il y a d’américain dans la FACOM, les origines de son fondateur, l’impact de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 et l’origine du modèle de la première clé fabriquée.
Dans l’histoire de la FACOM, cette première clé est une icône. C’est la 101 ou « Madame 101 ». C’est une clé dite anglaise (paradoxe dans le paradoxe), ou à molette. Elle va asseoir solidement la réputation de la société et sera produite jusque dans les années 1960 (sous sa forme initiale à manche coudé et forgé car la 101 existe toujours en trois gammes 101, 101G et 101GR), copiée par d’autres fabricants, sans la qualité la plupart du temps, même Peugeot en sortira un clone et elle sera produite en plusieurs tailles d’ouverture de 15 à 120 millimètres, la taille générale de l’outil étant alignée sur la largeur d’ouverture.
La 101 est devenue un objet de collection...
Elle a d’abord été exclusivement distribuée aux cheminots des différentes compagnies françaises de chemins de fer, pas encore unifiées en SNCF. Ce sont eux qui l’ont respectueusement surnommée « madame 101 ».
Comme je m’étais toujours dit qu’il m’en faudrait une -à titre symbolique-, l’achat de la S203 a créé un appel d’air pour une 101 numéro 25 que voici :
Louis Mosés déménage la FACOM à Gentilly (actuel Val-de-Marne) dès 1920 afin d’agrandir la capacité de production. Les ateliers sont alors répartis sur 1.500 m². C’est à ce moment-là qu’il élargit la diffusion de ses produits au secteur automobile en lien, notamment, avec Renault et Peugeot, afin de participer à l’industrialisation des méthodes de production en créant de nouveaux produits en fonction des besoins spécifiques dans ce domaine.
Dans le courant des années 1930, il voit encore plus loin et se tourne vers l’aéronautique dans le même but de contribuer à l’essor de la fabrication des engins volants. Il entre en contact avec la compagnie Air France dès sa création en 1933.
C’est alors qu’est créé le logo de la marque, le boulon ailé, qui subsiste encore aujourd’hui (évidemment restylisé).
Dans le même esprit de modernité, en 1936, il commande à l’architecte Le Corbusier une étude pour une reconstruction du site de Gentilly, qui ne sera pas réalisée :
Son fils André, ingénieur des Arts et Métiers (devenue Ecole Centrale) comme son père, lui succède à la tête de l’entreprise en 1945 à seulement 29 ans. C’est sous sa direction que la société va passer du statut de petite entreprise nationale à celui de multinationale. L’atelier de Gentilly est abandonné en 1956, toutes les activités, y compris une nouvelle forge qui est installée à cette occasion, déménagent près d’Orly à Villeneuve-le-Roi. Plus tard d’autres sites s’ajouteront pour faire face à la croissance : Ezy-sur-Eure (1967) puis Nevers (1974). Le siège social et le magasin central s'installeront à Morangis en 1970. Les documents commerciaux et publicitaires des années 30 signalent une seconde usine à Bourth, également dans l’Eure, mais il ne se trouve aucune information à son sujet.
Après les extracteurs dès 1945, le cliquet est industrialisé en 1946 et en 1948 est déposé le brevet de la première clé dynamométrique. Puis 1952 est l’année de l’instauration de la garantie à vie de l’outillage FACOM. A la fin des années 1950, la FACOM atteint la première place mondiale des fabricants d’outillage à main.
Comme dans tous les secteurs, et on a déjà fait ce constat avec DBA et Ferodo, la FACOM n’a pas échappé à la politique de concentration. La marque a été rachetée par Stanley (en position de leader mondial de l’outillage) en 2006 avant d’être rejointe par Black et Decker en 2012. Ce rachat a entrainé la fermeture des sites d’Ezy, Nevers et Morangis. Au sein du groupe, les trois marques conservent néanmoins leur identité et celle de FACOM reste de manière intangible frappée du sceau de la longévité.
Je ne vais pas plus loin car l’histoire de la FACOM a déjà été écrite dans le détail. Un livre de 144 pages a été publié en 2018 à l’occasion du centenaire (
Facom – 100 ans – des passions et des hommes, peu ou prou introuvable aujourd’hui) et le site Internet de la société contient une synthèse déjà dense et bien illustrée de ces cent ans d’activité : https://www.facom.fr/la-marque/Histoire-de-FACOM.html
Vous pouvez donc compléter sans que j'en fasse des tartines ici
Une version éphémère du logo dans l'après-guerre :
Sources :https://www.facom.fr/
https://www.bricoler.net/marque/facom/
https://www.lemonde.fr/archives/article/1998/08/09/3-madame-101-indispensable-compagne-des-hommes-d-atelier_3666813_1819218.html
http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=5629&sysLanguage=fr-fr&itemPos=21&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=215&sysParentName=&sysParentId=65
http://hern.over-blog.com/article-3517058.html